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Projet de thèse
 
Chauffage coronal à micro-échelles:
signatures et modélisations

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Éric Buchlin

10 octobre 2001

Mon projet de thèse se place dans le contexte du chauffage de la couronne solaire, dont la compréhension a des implications en physique solaire et stellaire, et dans le domaine des relations Soleil-Terre.

Cette thèse fait suite à mon stage de DEA [4] réalisé à l'Institut d'Astrophysique Spatiale à Orsay avec Jean-Claude Vial et Sébastien Galtier. Une cotutelle est prévue avec Marco Velli, de l'université de Florence (Italie).

1   Le chauffage de la couronne solaire

Un des grands problèmes qui se posent encore aujourd'hui à la physique solaire est de comprendre comment la couronne, la haute atmosphère du Soleil, qui s'étend sur des centaines de milliers de kilomètres au-dessus de la photosphère, est chauffée à plus de 1 million de degrés Kelvin (figure 1), alors que la température de la photosphère, la surface visible du Soleil, n'est que d'environ 5800 K. On s'accorde en général à penser que l'énergie nécessaire à ce chauffage est transférée de la photosphère aux boucles magnétiques coronales (figure 2) de la manière suivante: les mouvements turbulents de la photosphère provoquent une torsion des lignes de champ magnétique et donc une accumulation d'énergie magnétique dans les boucles.

Par contre, le mécanisme de dissipation de cette énergie magnétique dans les boucles est moins bien connu. Selon Parker ([7], 1988), de forts courants électriques dissipatifs seraient créés par des évènements de reconnexion magnétique: la topologie de ces lignes de champ magnétique torsadées peut être modifiée dans certaines conditions, à une très petite échelle (à laquelle la magnétohydrodynamique idéale n'est plus valable).

Les observations actuelles du Soleil atteignent une résolution de quelques centaines de kilomètres, ce qui permet de résoudre des structures comme les boucles magnétiques coronales les plus grandes. Mais cela ne suffit pas pour accéder aux échelles spatiales où se passerait la reconnexion magnétique, de l'ordre de la dizaine de mètres. Depuis une décennie environ, des observations statistiques des évènements d'embrillancements coronaux sont néanmoins réalisées, confirmant l'importance cruciale d'une myriade de petits évènements, et montrant un comportement en lois de puissance des distributions de probabilités des intensités et des durées des embrillancements. De plus, la dissipation semble présenter des propriétés d'intermittence. Ces comportements peuvent être interprétés comme des signatures d'un chauffage selon le modèle de Parker, mais de nombreux doutes subsistent quant à la validité de cette interprétation et même sur certaines méthodes observationnelles.

Fig. 1 -- La basse couronne solaire, vue par SoHO/EIT: les structures visibles sur cette image sont chauffées à plus de 1 MK. Des embrillancements très localisés sont visibles dans les trous coronaux et les autres zones sombres.
Fig. 2 -- Des boucles magnétiques coronales vues par TRACE.

2   Travail de modélisation

Un code de simulation a été développé par Valérie Aletti [1, 2] à l'IAS en collaboration avec Marco Velli et Giorgio Einaudi. Ce code simule l'évolution des champs magnétiques d'un modèle de boucle coronale soumise à un forçage de la part de la photosphère sous la forme d'un spectre d'énergie turbulente. Le modèle est un automate cellulaire, c'est-à-dire qu'il ne correspond pas directement aux équations de la magnétohydrodynamique; il en est cependant fortement inspiré, contrairement aux modèles phénoménologiques classiques d'automates cellulaires comme ceux de Lu et Hamilton [6]. Mon stage de DEA a permis d'exploiter ce code après que j'en ai fortement amélioré les performances, et d'obtenir des statistiques d'évènements comparables aux lois de puissance statistiques des évènements observés sur le Soleil. Nous avons pu définir quelques directions dans lesquelles il serait intéressant d'approfondir l'étude de ce modèle et de le modifier.

Ce modèle phénoménologique doit tout d'abord être encore rapproché de ce qui se passe réellement dans une boucle coronale, tout en conservant sa rapidité d'exécution, nécessaire à une étude statistique (seule comparaison possible avec les observations actuelles). Par exemple, il faudra améliorer le mécanisme de dissipation de l'énergie pour qu'il rende mieux compte d'évènements du type reconnexion magnétique. Des simulations utilisant directement les équations de la magnétohydrodynamique, bien que trop lourdes à mettre en oeuvre pour une étude statistique, pourraient valider ces modifications.

Il faudra ensuite obtenir une signature satisfaisante de l'intermittence des évènements produits par le modèle, par le calcul de fonctions de structure ou par un autre moyen à déterminer. L'intermittence, caractérisée par une non-gaussianité des distributions statistiques aux petites échelles spatiales et prédite par les modèles magnétohydrodynamiques, est en effet une des clés du chauffage coronal à micro-échelle.

L'accès à ces petites échelles et l'amélioration des statistiques rendent nécessaire l'augmentation de la résolution spatiale et du nombre de pas de temps de la simulation. Son exécution devra donc être réalisée sur des durées plus longues (de l'ordre d'une semaine) et avec des machines plus puissantes. Du temps de calcul a ainsi été obtenu à l'IDRIS (Institut du Développement et des Resources en Informatique Scientifique).

Ŕ plus long terme, le code de simulation devrait être complètement remodelé, dans le sens d'une meilleure compatibilité avec la magnétohydrodynamique. Les termes non-linéaires de celle-ci pourraient par exemple être mieux pris en compte grâce à une approche de type shell-model, ou avec des bases de décomposition des modes plus adaptées au problème que la base de Fourier utilisée actuellement. Ces modèles seraient ainsi plus efficaces et plus proches de la réalité physique que les modèles actuels. Même si l'utilisation de ces modèles magnétohydrodynamiques pour une étude statistique reste une perspective lointaine, l'amélioration de leurs performances est nécessaire et peut intéresser des domaines extérieurs à l'astrophysique. Ils seront aussi utiles pour avoir des comportements de référence de systèmes physiques, et pour évaluer le réalisme des modèles phénoménologiques d'automates cellulaires.

Je serai aidé pour cette partie de ma thèse par Marco Velli et Sébastien Galtier, qui travaillent sur de tels modèles numériques.

3   Observations envisagées

Une autre partie de ma thèse sera consacrée à la recherche de signatures observationnelles du chauffage à petite échelle. Vu l'écart entre les résolutions instrumentales accessibles (quelques centaines de kilomètres) et les échelles des phénomènes auxquels nous nous intéressons (quelques dizaines de mètres), l'approche statistique est une des seules approches envisageables.

Plusieurs études existantes ont montré que les histogrammes des durées, des intensités globales et des pics d'intensités des évènements solaires suivaient des lois de puissance, ressemblant à celles obtenues par les simulations. Ces lois de puissance pourraient être une conséquence du caractère auto-similaire de la turbulence qui intervient dans le chauffage, et donc d'un chauffage à petite échelle, mais il existe d'autres manières de produire de tels histogrammes. Il faudrait donc utiliser des méthodes statistiques supplémentaires pour prouver le chauffage à petite échelle et éliminer les autres hypothèses. Une piste serait, comme pour les simulations numériques, de trouver des signes d'intermittence dans les fonctions de structure observées.

Ce travail se fera en poursuivant l'exploitation des données existantes (EIT, SUMER...) et par l'acquisition de nouvelles données. Il sera facilité par la présence à l'IAS de nombreuses personnes connaissant ces instruments et sachant traiter leur données, et de MEDOC (Multi-Experiment Data Operations Center), le centre européen d'opérations et d'archivage pour le satellite SoHO. Je participerai ainsi aux campagnes d'observation MEDOC qui ont lieu régulièrement. Des données de meilleure résolution temporelle et spatiale qu'actuellement seront peut-être aussi disponibles. Concernant l'analyse des données, l'expérience de traitement des données que j'ai acquise au cours de mon stage de Magistère [3] pourra m'être utile. Il faudra définir précisément ce que nous considérons être un évènement et quelles structures nous voulons regarder, puis essayer de séparer les éventuelles populations d'évènements, et obtenir pour celles-ci des résultats statistiques.

4   Comparer les modèles aux observations

Un travail de synthèse mettrait enfin en regard les résultats obtenus numériquement et par les observations. Le lien entre l'énergie dissipée dans les simulations et la luminosité dans les longueurs d'ondes observées devra ainsi être précisé et pris en compte dans la comparaison. Cela pourrait par exemple se faire en modifiant les modèles pour qu'ils intègrent la thermodynamique et qu'ils produisent des statistiques de variables observables. Inversement, il pourrait être possible de calculer à partir des observations des statistiques d'énergies dissipées.

Les modèles et les observations pourraient alors être comparées statistiquement: pentes des lois de puissances des histogrammes, comportement des fonctions de structures... Les modèles pourraient être testés, et leur paramètres ajustés. Par exemple, il serait intéressant de trouver un modèle et les paramètres correspondants qui reproduiraient de manière naturelle la double pente de certains histogrammes observationnels.

Les résultats statistiques, obtenus à la fois par les modèles et les observations, devront enfin être interprétées avec prudence, pour essayer d'en déduire la vraisemblance des processus physiques à dont on pense qu'ils sont à l'origine des évènements élémentaires de chauffage coronal.

References

[1]
V. Aletti, Chauffage intermittent de la couronne solaire: diagnostic, étude statistique et modélisation des points brillants observés par SoHO, Thèse de doctorat, Université de Paris XI, Orsay, Janvier 2001.
[2]
V. Aletti, M. Velli, K. Bocchialini, G. Einaudi, M. Georgoulis, and J.-C. Vial, Microscale structures on the quiet sun and coronal heating, ApJ 544 (2000), 550-557.
[3]
E. Buchlin, Recent observations of an equatorial coronal hole, Stage de magistère, ENS Paris, Southwest Research Institute Boulder, 2000.
[4]
E. Buchlin, Simulations d'évènements solaires par automates cellulaires et propriétés statistiques, Stage de DEA, Université de Paris VI, Institut d'Astrophysique Spatiale, Orsay, 2001.
[5]
J. A. Klimchuk and P. J. Cargill, Spectroscopic Diagnostics of Nanoflare-heated Loops, ApJ 553 (2001), 440-448.
[6]
E. T. Lu and R. J. Hamilton, Avalanches and the distribution of solar flares, ApJ 380 (1991), L89 -L92.
[7]
E. N. Parker, Nanoflares and the solar X-ray corona, ApJ 330 (1988), 474-479.

This document was translated from LATEX by HEVEA and edited.

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Dernière modification le 22/11/2004
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